jeudi 21 mars 2013

Comment juger de la qualité d'un morceau ?



Technique, écriture
ou comment juger de la qualité d'un morceau de rap

La seule limite de la technique, c'est la compréhension. Par exemple, l'accélération du flow, technique courante et pratiquée par pas mal d'artistes, peut desservir le texte et sa compréhension.
De même qu'un flow particulier mais redondant imposera une plume plus indulgente ( je pense notamment au flow de Sadek sur ce son avec Meek Mill ).

Oxmo Puccino et Kery James sont par exemple plus axés sur le fond et que sur la forme. Le flow de Kery n'à pas énormément évolués durant sa carrière, d'ailleurs il le dit lui-même ( dans cette interview notamment ) : c'est le fond, le message, qu'il approfondi le plus. Cependant quand le message relève de la démagogie ou autres thèmes sur-traités par le rap français et qu'on ne peut pas se raccrocher au flow, ce n'est plus du rap qu'on à l'impression d'écouter mais un message politique scandé. Si tu veux faire de la politique, ne te cache pas derrière un Mic, si tu veux défendre les inégalités tu ne nourriras pas les affamés avec la mise en scène de ton clip. Je veux dire par là que dans un art qui se veut dissident on ne peut dissocier l'humain de l'artiste puisque le premier s'exprime par la voix du second. Il faut que les écrits soit à la hauteur de la pensée, que celle-ci soit véritable et non-pas empruntées pour en faire un fond de commerce. Je me demande souvent si Kery James est vraiment dans une optique de dissidence.. J'entends par la qu'un véritable dissident ne serai pas autant médiatisé, ne serait pas invité chez Drucker pour chanter avec Aznavour, personnalités qui sont directement ou indirectement rattachées aux oligarques responsable de ce que Kery s’évertue à pointer du doigt sur chacun de ses sons. 

En ce qui concerne Kery James, je vous invites à écouter la chronique de Kemi Seba à son sujet ici même.

Chez Rohff et ses freestyles ( très long ), la technique c'est la rime agressive, la punchline, mêlée aux rimes lourdes de sens
Aujourd'hui on retrouve beaucoup ce genre d'écriture, la culture de la punchline, celle dont on se souvient mais qui la plupart du temps ne dépasse pas l'image humoristique ou cynique à laquelle elle renvoie.
La punchline telle qu'on la conçoit aujourd'hui c'est à mon sens la recherche du divertissement au détriment du sens. Beaucoup de textes survolent des thèmes qui pourraient être intéressant s'ils étaient approfondis. Quand Gims dit "Est ce que Usain Bolt court plus vite que Ben Ali ?" dans Meurtre par strangulation concrètement qu'est ce que ça dit ? 

"Les MCs appellent Punchline ce que j'appelle écrire"

Telle qu'on la conçoit aujourd'hui parce que Punchline est un terme assez vague et n'importe quoi peut en devenir une avec un peu d'imagination. A mon sens c'est l'auditeur qui doit, selon sa compréhension, retenir des rimes plus percutantes que d'autres. Le rap est entre autre une histoire d'image, je trouve par exemple le crew 1995 créatif, bien que les textes rejoignent l'idée de divertissement évoqué plus haut, et qui sera développé plus bas. En comparaison à des gars comme Sultan, qui pour l'instant ne m'ont pas convaincu par leur identité musicale, les mecs de 1995 sont beaucoup plus vivant dans leurs textes. L'arnaque du rap de puriste ou du vrai rap français commence là où l'image du rappeur forge sa notoriété au détriment de la qualité de sa musique. La notion de puriste n'est qu'un terme flou qu'on aime à employer pour définir tels ou tels morceaux, mais comme le disait Oscar Wilde "définir c'est limiter". Le "vrai" rap français n'est que le socle sur lequel s'appuie "l'autre" rap.

Ce qui met déplaît dans le "rap à punchline", c'est la relative faiblesse des textes. La technique est au service du texte, le flow c'est le canon qui tire la punchline, mais la cible c'est quoi ?

En s'attardant sur les textes de Fabe et de Rocé, et plus particulièrement sur la construction de leurs textes on peut suivre le cheminement des idées au fur et à mesure que les rimes s'enchaînent.

Exemple :

Idéal non commun, prise de conscience différé, exagéré!
Et il continue désespéré? Dégénérés progénitures d'une génération télé-intellectuellement anesthésié.
''Zapper c'est facile'', c'est ça leurs solutions?
Les casseurs font leurs course lors des mini-révolutions
Tes parents paye le flic qui met une balle dans ton front
Face à une telle organisation: Aucune solution
La révolution industriel fait la fierté de ce pays.
La main de l'ouvrier malheureuse, mais on s'en fout elle produit!
puis on produit l'envie chez l'ouvrier qui bosse comme un con.
vive la société de consommation !
Trop d'intérêt, trop d'épargne,trop d'usurier Oué!
Trop de clochards dans ma rue et trop de chiens dans les beaux quartiers,
Un parfait désaccord régis par la loi du plus fort.
Certains d'entre nous dorme dehors et tu t'affiche avec tes bagues en or...
Devant tant d'égoïsme je ne vois aucune solution.
Alors... cherche moi... Quoi?
J'arrête ici ma narration.



Attention, je ne demande pas ici à tout les rappeurs de copier les structures des textes de Fabe, j'illustre juste ce qu'est une écriture structuré efficacement et accordée à la technique.
Bien sûr, il y a beaucoup d'exemples possibles, j'ai choisis Fabe parce qu'il est parmi ceux que j'ai le plus écouté.

La technique est une chose que peu prennent en compte dans leur appréciation des morceaux, et particulièrement des nouveaux. Je lis beaucoup de commentaires très drôle sur Youtube ou autres,  en fait, on en trouve quasiment sous chaque vidéos concernant de près ou de loin le rap.

Les messages sont souvent les mêmes, cela va de la haine pour les artistes émergents à la nostalgie du rap plus ancien. Certains n'acceptent que du rap conscient quand d'autres forment des masse et se font la guerre.

Illustration :


Ce vif échange provient d'un son de ILL ( Momonnaie ). 
Guizmo, c'est un mec très productif !

Avec le contexte actuel, les moyens de communications à leurs dispositions, l'approche du rap est différente, Ils ne sont qu'à l'aube de leur carrière musicale.. Ecoutez Booba à leur âge ( perso je trouve qu'il dit que de la merde, mais il parait que plus c'est vieux mieux c'est ).
Tout le monde sait que dans 10 ans certains des sons que l'on à jugé nul aujourd'hui seront des classiques.
Pourquoi s'entêter à tirer vers le bas ceux qui vivent par et pour la création ?
Le rap en France est très florissant, dans le sens où il y a beaucoup de contenus de qualité, beaucoup de nouveautés et un tas de freestyle disponible, des activistes qui organisent concerts, atelier d'écriture..

Il est donc important de juger de la valeur d'un artiste en étudiant la technique, l'écriture et sa créativité indépendamment du contexte et de la concurrence dans laquelle il évolue comme s'il était un produit issue d'un marketing stratégique.

En s'attardant sur l'écriture de East, Akhenaton, Fabe, Rocé, Ali, Ekoué, Sat, Al, Médine.. (j'en oublie sûrement) On s'aperçoit rapidement que la punchline se révèle d'elle même par la profondeur de la rime.

Pour Hugo du TSR Crew, c'est différent. La profondeur n'est pas ce qui est mis en avant, chez lui c'est la gestion du flow au service de la punchline bien ciselée. Bien qu'on puisse lui reprocher la relative redondance des thèmes, instru et textes, Hugo à son identité musicale propre, ce qui n'est toujours le cas chez les rappeurs (toujours) actifs.

Akhenaton disait dans une interview que Booba avait eu beaucoup d'"enfants" (enfant issus de Lunatic, mais qui n'ont rien appris d'Ali, ou peu) dans le rap, en effet l'écriture de Booba est caractérisée par ce qui s'est popularisé sous le nom de méta-gore, soit punchline "choquante" et explicit.
Avant Lunatic et la gangsterisation du rap fr, la scène hip hop se caractérisait par une écriture se rapprochant plus de la poésie et de la littérature que de la haine anti-flic et autres thèmes récurrents dans le "Gangsta rap français".
Phénomène représentatif du libéralisme américain à la française : la gangsterisation ramène à des valeurs partagées par les rappeurs pseudo-dissident et les personnalités qu'ils condamnent ( par pseudo-dissident j'entend ceux qui disent baiser le système tout en croyant à la hiérarchie social, à l'écrasement de l'autre pour réussir et le matérialisme pour valorisation de soi).

Divertissement ou subversion sont deux choix distinct, choisir la subversion implique l'alignement moral qui l'accompagne. Technique et écriture sont les vrais clés de la compréhension du travail d'un artiste. L'homme doit être retrouvé dans les textes du rappeur. Ceux-ci seront de ce fait vivants ainsi que les idées qu'ils diffusent. Bien sûr, je ne condamne pas les rappeurs penchant plus pour le divertissement que la subversion, ce sont seulement deux voies qui, si mélangées, peuvent dé-crédibiliser le travail de l'auteur.


Peace

La radio tourne toujours, pour l'écouter c'est ici
N'hésitez pas à faire tourner, c'est par le partage qu'on peut créer des connexions et aller de l'avant !


Bonus pour ceux qui ont été jusqu'au bout ! 


"Les principes s'arrêtent là où les intérêts commencent"

4 commentaires:

  1. c'etait bien dit, bien écrit, mais le son de la fin .... ça gâche tout, des grosses voitures des fusils à pompes, c'est pas ce genre de rap que vous venez de qualifier de "gangsta rap" issue de la génération booba ?

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Je comprend votre point de vue, mais ce "genre" reste du rap, et relève du divertissement (bien que Kaaris est bien moins Gangsta, libéral et matérialiste que d'autres, et il n'essaye pas de te vendre des idées).
      Je pense que si le rap doit être dans la subversion, qu'il soit subversif. Si c'est du divertissement, qu'il soit divertissant. On ne peux condamner un artiste parce qu'il n'est pas subversif puisque rien ne l'oblige à l'être !
      Je le qualifie, je ne le condamne pas !
      Et je kiffe l'instru.

      Ce que je veux exprimer, c'est que lorsqu'un rappeur traite de sujet important, s'il veut donner des leçons, délivrer certaines infos dans le but d'y sensibiliser les gens, il se doit d'être rigoureux dans son travail et dans son comportement en général.

      S'il n'a pas cette prétention, il n'a pas cette rigueur à suivre, à mon sens.
      Et je doute que Kaaris veuille être un exemple, Booba lui-même dit qu'il n'en n'est pas un.

      Si j'ai placé ce son à la fin de l'article ce n'est pas un hasard ahah, c'est justement pour illustrer cette idée ! Ce rap existe présentement, on ne peut en nier l'existence,je pense que pour le comprendre et le dépasser, il ne faut pas le refouler mais l'accepter.

      Merci de votre intérêt pour cette article !

      Supprimer
  2. Rap: Rythm And Poesi
    Ce qui a kan mm fait le rap est le fait de dénoncer des choses ! Le côté bling bling dégueulasse où les meks se la pètent + que tout m'est insupportable, surtout k'il n'y a plus de sens à leurs textes. Je me bats et me battrai contre ce genre de rap !
    Après tu peux avoir des textes divertissants mais la personne ki les écrits est importante à mes yeux!

    RépondreSupprimer
  3. Je suis d'accord, mais je pense que ce genre d'artiste est nécessaire, dans le sens où ils sont les premières marches de l’élévation du rap au rang d'art majeur à l'échelle national, voir mondial.

    Si ces artistes existent aujourd'hui, c'est parce qu'ils ont un public. Quand le public s'éveillera et aura suffisamment de recul, ces mecs là s'effaceront, ou essayeront de s'adapter.

    RépondreSupprimer